ARTICLES PARUS DANS DES MAGAZINES FRANÇAIS OU SUR INTERNET EN 2001:




Par Sacha Reins:

"Il est toujours navrant de voir les autorités officielles (religieuses ou politiques) se décharger de leurs responsabilités et accuser un artiste des tragédies qui ensanglantent leur pays. Dernière victime de cette chasse aux sorcières un peu grotesque: Marilyn Manson. [...] Marilyn Manson met en scène les cauchemars de l'Amérique profonde pour dénoncer une société pourrie par toutes les déviances. [...] Marilyn Manson est un clown dérangeant mais aussi un des meilleurs hard-rockers du moment. L'imagerie qu'il trimballe est agressive, mais 100 fois moins violente que les propos racistes et homophobes du rappeur Eminem."


"Grand admirateur d'Anton LaVey, le grand prêtre défunt de l'Eglise de Satan, Rocker grand-guignolesque en descendance directe d'Alice Cooper, Marilyn Manson, pour l'Amérique de Bush, c'est l'Antéchrist. Mais qui, de l'ex-gouverneur du Texas, bon chrétien qui signe les arrêts de mort sans sourciller, ou du rocker "dégénéré" est le plus terrifiant? A vous de voir."


Un très bon article qui résume parfaitement les premiers chapitres de l'autobiographie officielle de Manson:

TITRE: Born Again

Phénomène musical autant que social, Marilyn Manson bouleverse sans cesse l'Amérique puritaine. Récemment interdit de scène à Denver (une fois de plus!) Manson fait peur et pour cause, puisque la création de son groupe a toujours eu pour but de faire bouger les choses. Ange ou démon? Il suffit de se replonger dans le passé de Brian Warner pour y apporter un début de réponse.

Par Nicolas Denans

Avant de revêtir la personnalité sulfureuse de Marilyn Manson, Brian Warner a connu une enfance et une adolescence tumultueuses qui l'ont conduit à vouloir devenir une véritable rock star à tout prix. Souvent rejeté et incompris, Manson a développé sa vengeance durant de longues années. Il sera adulé et pervertira la jeunesse américaine ou ne sera pas.

Contexte familial
Né le 5 Janvier 1969 à Canton, Brian Warner a vécu toute son enfance dans cette petite ville de l'Ohio entouré de ses parents Hugh et Barbara. Ancien mécanicien d'hélicoptère pendant la guerre du Vietnam, son père ne s'occupait pas vraiment de lui et était plus du genre à l'engueuler pour n'importe quelle raison, que de s'occuper à entretenir des relations privilégiées avec son fils. Les rares moments partagés avec Brian se résumeront à lui apprendre à tirer au fusil ou à l'emmener à un concert de Kiss, le premier auquel assistera le gamin en 1979. Côté maternel, l'équilibre se rétablissait, mais cela n'était pas fait pour plaire au jeune Brian. Possessive et trop attentionnée, Barbara Warner couvait son fils jusqu'à lui en donner des nausées. Complément parfait de ce tableau familial, le petit Brian passait aussi des journées entières chez ses grands-parents paternel aux côtés de son cousin Chad. Les deux pré-adolescents feront alors leurs premières découvertes autour de la sexualité grâce à la cave de leur grand-père. Ancien routier, Jack Warner conservait là son jardin secret qui aura vite fait d'être percé par ces deux gamins en quête d'émotions fortes. Dans la crasse de cette cave, Brian et Chad se retrouveront face à une réalité qu'ils n'auraient même pas pu imaginer en voyant des godemichés immaculés de vaseline, des photos zoophiles pourries par le temps ou encore l'ensemble de la lingerie féminine utilisée par ce grand-père salace pour assouvir ses fantasmes de travesti. Plus tard, Marilyn n'hésitera pas à revenir sur ces souvenirs scabreux: "Nos incursions dans la cave étaient motivées à la fois par l'envie de deux pré-ados de se branler devant des photos pornos et par la fascination morbide qu'exerçait sur nous notre grand-père." Dans le genre enfance modèle, on a vu mieux, mais le premier vrai déclic se fera en fait au contact de l'école.

Ecole et religion
Dès l'école primaire, Brian Warner entrera à l'Heritage Christian School fondée sur les principes de l'église épiscopalienne (version édulcorée du christianisme). Dans cette école privée et religieuse, Brian ne trouvera pas son salut auprès de professeurs qui essayeront d'inculquer aux élèves des valeurs fondées sur la peur de l'Antéchrist et de l'Apocalypse: "Je vivais dans la peur et la confusion, car même sans l'influence de l'école chrétienne, ma puberté provoquait quelques bouleversements." N'étant pas issu d'une famille religieuse, Brian aura du mal à entrer dans le moule et sera particulièrement marqué par une expérience de rapprochement tuée dans l'oeuf (ça veut dire quoi ça? - ndw). En CM1, il apporte un cliché aérien qui semble dessiner un ange dans les nuages. Preuve de sa bonne volonté, cet acte sera pourtant puni pour cause de blasphème: "C'était ma tentative la plus sincère de coller à leur idée du christianisme et ils me punissaient pour ça." De désillusion en désillusion, à partir de l'âge de 12 ans, Brian Warner fera tout ce qu'il peut pour se faire renvoyer de l'institution et commence ses premiers méfaits en tant que dealer de bonbons. Dans la foulée, il monte un fanzine appelé Stupid qu'il vend à ses camarades d'école et qui obtiendra un certain succès du fait de son caractère particulièrement graveleux et obscène. A la même époque, l'Heritage Christian School assurait des cours sur les messages subliminaux dans la musique rock. Bowie, Black Sabbath, Alice Cooper, Queen ou Led Zeppelin, tous étaient alors taxés d'aller à l'encontre de la pureté religieuse. L'homosexualité, les drogues, le rock, tout cela se retrouvait dans le même sac pour être considéré comme des oeuvres de Satan. Imperméable à ces entreprises de lavage de cerveau, le futur Manson y voit au contraire un attrait certain et deviendra alors le premier revendeur de cassettes rock de l'école en organisant un vrai marché parallèle dans ces murs remplis d'esprits trop étroits. Tardivement, après deux mois en première, Brian arrivera à ses fins et se fera exclure de l'école pour avoir chanté une chanson de Kiss. L'école publique s'ouvre enfin à lui.

Sex, drugs & frustrations
A 16 ans, il arrive dans son nouveau lycée en cours d'année. Obsédé par l'idée de perdre sa virginité au plus vite, il multiplie alors les expériences amoureuses ratées qui lui vaudront même quelques fois de se faire passer à tabac par des congénères particulièrement jaloux. C'est le cas lorsqu'il reçoit un coup de poing en plein visage pour avoir trop approché une fille déjà prise: "Je n'aimais pas cette fille et elle a failli me coûter ma carrière de chanteur. Aux urgences, ils m'ont dit que les dégâts étaient définitifs. Encore aujourd'hui, je souffre toujours d'un syndrome (...) qui provoque des maux de tête et rend la mâchoire raide et douloureuse." Loin d'être découragé, Brian s'inscrit alors à l'orchestre de l'école pour multiplier les connaissances féminines. Il commence par la basse et la caisse claire pour finalement finir au triangle. Au lycée, il rencontre ensuite John Crowell avec qui il se lie d'amitié et qui lui organise son dépucelage avec une fille du nom de Tina Potts. Après avoir établi un plan imparable sur fond d'alcool, Brian arrive à ses fins, mais tout ne se passe pas comme prévu: "La seule émotion de la pénétrer m'a fait décharger." Afin de préserver une once de dignité, il préfère lui faire croire qu'il est trop tôt pour faire l'amour, tout ça afin de pouvoir lui cacher cette éjaculation précoce. En terminale, il réalise enfin son rêve jusqu'au bout, mais manque de chance, il tombe sur une vraie nymphomane qui ne trouve rien de mieux que de l'ignorer dès le lendemain. Tout en continuant ses petites expériences de la vie, Brian se retrouve un jour avec John Crowell et son grand frère, un féru de pétards et de messes noires. Premier contact avec le satanisme et le haschisch, Brian n'en gardera pas un bon souvenir pour être tombé dans les pommes et s'être rendu malade à en vomir. Sur toute cette période, il ne gardera que des frustrations: "J'avais pris plein de mauvaises drogues, vécu une sexualité minable, et je n'avais aucune estime pour ma propre personne."

La renaissance
Peu de temps après avoir atteint sa majorité, Brain déménage et suit ses parents à Fort Lauderdale en Floride. Seul, dans son nouvel environnement, il commence à se passioner pour l'écriture. Au même moment, il se met à suivre des cours de journalisme et de théâtre tout en arrondissant ses fins de mois comme vendeur dans une chaîne de magasins de disques. En 1988, Brian démarche le rédacteur en chef de Night Terrors Magazine consacré à des nouvelles littéraires portées sur le fantastique ou l'horreur. Malgré les envois répétés de poèmes et de récits - tous plus torturés les uns que les autres - à différentes rédactions comme Penthouse ou The American Atheist, rien ne sera publié. En fait, c'est après s'être fait virer de son job de disquaire qu'il débute une courte carrière de rock-critic pour un guide de spectacle gratuit, le Tonight Today. Quelque temps plus tard et après avoir menti sur ses diplômes, Brian se retrouve rédacteur en chef pour un magazine luxueux appelé 25th Parallel: "Je travaillais non-stop sur la section spectacles et la rubrique que j'appréciais le plus n'était pas celle concernant le rock. C'était celle où mon amour du journalisme et des récits d'horreur se combinait." Par exemple, des portraits de spécialistes du bondage. Ecrivain frustré, mal dans sa peau, rejetant la culture américaine, la TV ou la religion, se considérant éternellement trahi par les femmes, Brian établit bientôt son objectif numéro un: devenir une rock star. "C'est en grande partie la colère et la vengeance qui m'ont poussé à devenir célèbre." Il remarque que les musiciens n'ont pas toujours des choses à dire et cela le désespère: "Je sentais que j'aurais mieux fait de répondre aux questions plutôt que de les poser. Je voulais passer de l'autre côté du miroir." Au départ le personnage de Marilyn Manson était un héros d'une assez longue nouvelle écrite par Brian, il sera repris pour lui-même. Manson pour Charlie, le célèbre tueur en série, Marilyn pour Monroe l'idole des sixties. Une face sombre e une face claire qui ne peuvent vivre l'une sans l'autre. Le concept de Mariln Manson est sur la bonne voie: "En tant qu'artiste, je voulais être le signal d'alarme le plus bruyant et le plus tenace qui existe parce que je ne voyais pas d'autre issue: il fallait briser les liens de notre société avec le christianisme et la faire sortir du coma dans lequel nous plongent les médias."
Dès 1990, Brian Warner parvient à réunir son équipe de musiciens. Marilyn Manson & The Spooky Kids voit le jour en 1990 et sera vite soutenu par Trent Reznor de Nine Inch Nails. En 1991, le groupe réduit son nom pour devenir Marilyn Manson, les concerts provocants se succèdent sur fond pornographique ou sadomasochiste, mais toujours dans le but de dénoncer les dérives d'une société qui détruit l'individu. Un mythe est en marche.


Un article extrêment classique qui n'apprendra rien de nouveau aux fans:

TITRE: Classe Tous Risques

Le rock est-il encore subversif en 2001? On peut légitimement se poser la question au moment où Marilyn Manson, Limp Bizkit, Slipknot et Crazy Town défrayent la chronique, et partagent de la même manière fans, critiques et grand public.

Par Christophe Geudin

Sympathy For The Devil
L'habit ne fait pas le moine, surtout dans le domaine du rock où l'attitude vaut bien plus qu'un simple accoutrement. Marilyn Manson fait partie de ceux qui ont choisi dès le départ de se démarquer, en optant pour un nom et un parti pris visuel volontairement choquants. "Un type qui porte un prénom de fille et qui se pointe sur scène complètement maquillé? J'ai déjà vu ça quelque part." Vincent Furnier, alias Alice Cooper, sait de quoi il parle lorsqu'on l'interroge sur le phénomène Manson. La comparaison pourra sembler légitime pour certains, mais là où les textes de Cooper puisaient leur substance dans le malaise adolescent et l'imagerie grand-guignolesque (Eighteen, No More Mr. Nice Guy), la prose de Manson dérange au plus haut point en s'attaquant aux tabous sexuels, religieux et politiques de l'Amérique bien pensante. Au-delà d'une habile juxtaposition des noms et prénoms de 2 icônes diamétralement opposées ("la" Monroe et le tueur en série de sinistre mémoire) et l'adoption d'un look d'alien androgyne et anorexique de surcroît, c'est bel et bien l'Amérique wasp et forcément politiquement correcte qui est visée au travers des brûlots incendiaires, dès 1995 avec Smells Like Children et Antichrist Superstar.
Il ne suffira pas plus d'une poignée de diffusions de Sweet Dreams et de The Beautiful People sur les chaînes câblées pour alerter les associations parentales US, effrayées au plus haut point par les apparitions répétées de l'antechrist glam sur les FM et les écrans de télé. On assiste alors à la naissance d'un personnage qui n'aura de cesse de repousser les limites du mauvais goût à chaque occasion. La luxure, la violence et l'usage intensif de drogues récréatives font partie des ingrédients de la recette du succès de l'animal mécanique. L'industrie du disque se retrouve prise en otage par un Marilyn Manson déjà bien au fait des rouages du business (règle numéro un: se comporter comme une rock star pour être traité comme telle). Manson choque, Manson effraie, et Manson passe bientôt du statut de souffre-douleur lycéen à celui de porte-parole d'une jeunesse rejetant en bloc l'american way of life. Fin 96, on parle d'enfants molestés au cours de messes noires sanglantes, de massacres d'animaux sur scène, de distributions de coke, de pilules d'ecstasy, et de partouzes improvisées lors de concerts-happening qui feraient passer les extravagances d'Alice Cooper pour une fête de patronage. Mémoires de l'Enfer (éditions Denoël) synthétise l'ascension de l'autoproclamé God of Fuck. Cette autobiographie sulfureuse, et à n'en pas douter quelque peu mytho, ajoute une pierre à l'édifice Manson dans son combat face au conservatisme frileux de ses compatriotes.
L'incompréhension face au phénomène est totale, et le point de non-retour sera atteint au lendemain du massacre de Columbine en avril 1999: deux lycéens détraqués abattent froidement 13 étudiants et en blessent 20 autres (cf. ROCK MAG n°3). Les autorités, bientôt rejointes par la presse, feront dès lors de Marilyn Manson un bouc émissaire en blâmant les textes et l'imagerie morbide déclinés à longueur d'albums et de prestations scéniques. Concerts annulés, interdictions du groupe dans plusieurs états et cabales médiatiques s'ensuivront jusqu'à la sortie d'Holy Wood, où il se chargera de régler ses comptes avec l'establishment à coups de textes virulents (Godeatgod, The Death Song) et de simples sans concession (Disposable Teens, The Fight Song). L'Amérique adulte a toujours autant de mal à digérer le message. Les fans, eux, en redemandent.

Walk This Way
La nouvelle est passée mystérieusement inaperçue, mais personne ne saurait ignorer la prochaine collaboration entre Marilyn Manson et Eminem pour l'enregistrement d'une nouvelle version de The Way I Am pour le compte de Marshal Matters! Jamais la frontière entre rock et hip-hop n'aura été aussi mince. Les barrières entre ces deux genres ont pourtant été abolies depuis 1984 par l'officialisation de la rencontre entre les tchatcheurs de Run DMC et les rock stars lippues d'Aerosmith avec Walk This Way.
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